Dans la plaine Naît un bruit.C'est l'haleineDe la nuit. Elle brameComme une âmeQu'une flamme Toujours suit !
La voix plus hauteSemble un grelotD'un nain qui sauteC'est le galop.Il fuit, s'élance,Puis en cadenceSur un pied qui danse Au bout d'un flot.
La rumeur approche.L'écho la redit.C'est comme la clocheD'un couvent maudit ;Comme un bruit de foule,Qui tonne et qui roule, Et tantôt s'écroule,Et tantôt grandit,
Dieu! la voix sépulcraleDes Djinns !...Quel bruit ils font !Fuyons sous la spiraleDe l'escalier profond.Déjà, s'éteint ma lampe, Et l'ombre de la rampe,qui le long du mur rampe,Monte jusqu'au plafond.
[...]
Cris de l'enfer ! voix qui hurle et qui pleure !L'horrible essaim, poussé par l'aquilon,Sans doute, ô ciel ! s'abat sur ma demeure. Le mur fléchit sous le noir bataillon.La maison crie et chancelle, penchée,Et l'on dirait que, du sol arrachée,Ainsi qu'il chasse une feuille séchée, Le vent la roule avec leur tourbillon.
Prophète ! si ta main me sauveDe ces impurs démons des soirs,J'irai prosterner mon front chauveDevant tes sacrés encensoirs ! Fais que sur ces portes fidèlesMeure leur souffle d'étincelles,Et qu'en vain l'ongle de leurs ailesgrince et crie à ces vitraux noirs !
[...]
De leurs ailes lointainesLe battement décroît,Si confus dans les plaines,Si faible, que l'on croitOuïr la sauterelle Crier d'une voix grêle,Ou pétiller la grêleSur le plomb d'un vieux toit.
[...]
Les Djinns funèbres,Fils du trépas,Dans les ténèbresPressent leurs pas ;Leur essaim gronde ;Ainsi, profonde,Murmure une ondeQu'on ne voit pas.
Ce bruit vagueQui s'endort,C'est la vagueSur le bord ;C'est la plainte,Presque éteinte,D'une saintePour un mort.
On douteLa nuit...J'écoute :Tout fuit,Tout passe ;L'espaceeffaceLe bruit.